CONTRE la loi ESR "Fioraso", parce que POUR la langue française !

François-Xavier Grison

/ #867 Re: nécessité d’une langue véhiculaire en recherche

2013-04-13 17:50

#866: - nécessité d’une langue véhiculaire en recherche

Je vous indique quelques éléments de réponse concernant les colloques et les revues scientifiques, au sujet desquels il est indiqué dans le texte de la pétition que la traduction permet de pallier les nombreux inconvénients du règne de l'anglais exclusif.

 

En effet :


1) L'imposition de l'anglais dans les colloques internationaux situés en France :

- gène les chercheurs français mal à l'aise dans cette langue - et ils sont nombreux. Les inconvénients pour eux proviennent d'une difficulté à retranscrire en anglais la nuance, la richesse, la précision, la rigueur du travail qu'ils ont réalisé dans leur langue maternelle. On est d'ailleurs plus créatif et plus agile dans sa langue propre

- provoque l'autocensure car il est mal vu de dire qu'on parle mal anglais

- interdit tout public non anglophone

- aboutit à des situations qui seraient burlesques si elles n'étaient pas humiliantes : si 10 chercheurs sont français et un anglais, tout sera en anglais, ce qui donnera un avantage "comparatif" considérable au chercheur anglais et rabaissera le travail des chercheurs français qui ne pourront pas s'exprimer aussi bien que leur collègue d'outre-Manche. Si l'on parle mal une langue, on donne l'impression d'avoir une pensée un peu "grossière" en s'exprimant dedans

- viole la loi, qui demande que les colloques puissent être suivis en français (d'où la traduction et le fonds Pascal pour permettre aux colloques d'y avoir recours sans que cela n'engage des coûts excessifs).

La situation des colloques internationaux se tenant en France devrait donc être la suivante :

- les chercheurs français devraient s'exprimer en français ainsi que tous les étrangers souhaitant s'exprimer en français

- une traduction vers le français devrait être disponible dès lors qu'un chercheur ne parlant pas français voudrait s'exprimer en anglais. A cet effet, le fonds Pascal devrait être beaucoup mieux doté qu'il ne l'est aujourd'hui.

 

2) Il faut faut bien se rendre compte de ce qui se passe à l'étranger, notamment dans les pays du "nord de l'Europe" dont l'on vante à tant en France le niveau d'anglais.

L'anglais ne passe pas du tout comme une lettre à la poste en Allemagne par exemple. Je vous laisse lire le texte de la très officielle Hochschulrektorenkonferenz allemande qui dresse un réquisitoire sévère contre le tout anglais dans les universités et la recherche allemandes :

www.hrk.de/press/press-releases/press-release/meldung/internationalisation-of-universities-promoting-national-and-international-multilingualism-1000/

Il est notamment question de distorsion de concurrence par rapport aux anglophones et du fait que l'Allemagne se tire une balle dans le pied en ne promouvant pas l'allemand en Allemagne même.

Je vous invite également à voir ce qui se passe en Chine, avec cette très intéressante dépêche de l'agence de presse Xinhua du 16 mars 2013 "Chine : des universités de premier rang abandonnent l'épreuve d'anglais dans leur examen d'entrée" :

french.news.cn/culture/2013-03/16/c_132239095.htm

 

3) Concernant les revues internationales, c'est un fait, en effet, que la communauté scientifique lit en anglais et je vous rejoins, de ce point de vue, sur la nécessité d'une langue véhiculaire à l'écrit pour la communication scientifique.

La position raisonnable à adopter est qu'il faut que tout article écrit en France existe dans une version française. C'est la traduction qui doit jouer pour qu'il existe aussi en anglais. Il importe de promouvoir des revues multilingues. Or l'on sait bien que les mesures prises par Mme Pécresse poussent les chercheurs français à ne privilégier plus que les revues anglo-américaines exclusivement en anglais. L'UPR reviendrait naturellement sur ces dispositions.

Le problème de ne même plus publier en français en France est que nombre de chercheurs sont complètement inconnus dans leur propre pays, et n'y sont pas du tout lus.

Beaucoup d'acteurs, comme des revues de vulgarisation ou la grande presse, "tournent" autour de la recherche et de la science et ont besoin de lire dans leur langue maternelle. C'est ainsi que l'Union Populaire Républicaine a révélé un "scoop" en juillet 2012 : une étude scientifique du CNRS et de l'Université catholique de Lille du 4 décembre 2009 avait repéré que le LIBOR et l'EURIBOR étaient manipulés, donc bien avant l'éclatement du scandale mondial.

L'article n'avait pas du tout percé en France parce qu'il était exclusivement en anglais. Apparemment, il n'avait pas percé non plus à l'étranger, bien qu'en anglais... Cette mésaventure est une bonne leçon dont il faut tirer tous les enseignements. Tous les détails ici :

www.u-p-r.fr/actualite/france-europe/scandale-libor-et-euribord