Port du masque dans les crèches à Genève – Pour une recommandation et non une obligation
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Envoi de notre pétition aux autorités cantonales
2021-03-08 07:33:05Le 4 février 2021, notre pétition a été envoyée par courrier recommandé conjointement à Mme la Conseillère d'Etat de Genève Anne Emery-Torracinta et à Mr. le Conseiller d'Etat Mauro Poggia avec copie au Service de la Santé de l'Enfance et de la Jeunesse, et au Service du Médecin Cantonal (cf. courrier ci-dessous).
Malgré les enjeux soulevés et l'amélioration actuelle de la situation sanitaire, nous n'avons depuis lors reçu aucune réponse des autorités genevoises ou du service de la Médecin cantonale.
Pour cette raison, nous avons contacté aujourd'hui même plusieurs média cantonaux et romands afin de faire bouger les lignes.
Madame la Conseillère d’État, Monsieur le Conseiller d’État, Veuillez trouver ci-jointe le texte de notre pétition intitulée « Port du masque dans les crèches à Genève – Pour une recommandation et non une obligation », assortie de la liste de 189 signataires.
Comme nous avons d’ores et déjà pu nous en ouvrir auprès de Mme Torracinta lors de précédents échanges (courriel en date du 22 novembre 2020), il nous semble important d’insister une nouvelle fois sur le fait que les enjeux relatifs au port du masque dans les crèches (et à l'école) ne se limitent pas au strict domaine de la santé publique pour toucher également directement à des questions de développement, de formation et d'éducation des enfants dans leur ensemble. Le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) ayant notamment la charge : "d'offrir à tous les jeunes une formation de qualité et de favoriser leur développement harmonieux" (www.ge.ch), c'est la raison pour laquelle notre pétition est adressée aujourd’hui conjointement au DSES et au DIP.
Quatre points en particulier nous semblent devoir être soulignés aujourd’hui :
D’une part, (1) l’absence d’échéance pour la levée des mesures sanitaires demeure, à nos yeux, un point particulièrement problématique dans le cas des SAPE ; la notion de « temporaire » étant, par définition, toute relative. Comme mentionné dans le texte de notre pétition, si une durée de quelques mois est relativement insignifiante pour des adultes, elle représente une part considérable de la vie d’enfants en bas âge dans une phase cruciale de leur développement. Il y a lieu de souligner alors qu’un enfant entré en crèche en fin août 2020 à l’âge de 4 mois, a d’ores et déjà passé plus de la moitié de sa vie dans les SAPE environné d’adultes masqués (pour rappel le port du masque est obligatoire dans les SAPE à Genève depuis le 28 août dernier).
(2) La forte proportion de professionnels de la petite enfance (éducateurs/trices, Assistants/es socio-éducatifs/ives, psychomotriciens/iennes) qui ont signés notre pétition, ainsi que leurs commentaires alarmés, sont à cet égard un signal préoccupant. Ce signal est d’autant plus préoccupant qu’il provient de professionnels de terrain au contact direct et quotidien avec les enfants en bas-âge. Si tant est que cela ne soit pas déjà en cours, la réalisation à Genève et la publication rapide d’une étude en Sciences humaines menée auprès des professionnels de la petite enfance du Canton quant à l’impact du port du masque par les adultes sur le développement des très jeunes enfants seraient hautement souhaitables. C’est du moins ce que demandent urgemment certains psychologues (voir p.ex. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/19/le-port-du-masque-a-l-ecole-elementaire-entrave-l-apprentissage-des-enfants_6060277_3232.html
En effet, (3) le maintien de mesures appliquées actuellement de manière indifférenciée sans tenir compte des spécificités propres aux différentes situations particulières rencontrées au sein des SAPE, est aujourd’hui extrêmement problématique à nos yeux. Les enjeux épidémiologiques de transmission de la maladie n’étant pas du tout les mêmes entre enfants / entre enfants et adultes / ainsi qu’entre adultes, il y aurait lieu d’apporter aujourd’hui des réponses distinctes et nuancées aux différentes situations rencontrées dans les SAPE, en séparant bien :
(a) les moments d'interactions avec les parents et les autres éducateurs/trices (où le port du masque doit effectivement être envisagé lorsque les distances ne peuvent être respectées) et
(b) les moments où un/une éducateur/trice est en interaction uniquement avec un ou des enfants en petit groupe (où il doit y avoir une possibilité de renoncer au masque de façon raisonnée et contextuelle). C'est bien ce type de nuance selon les contextes qu’il nous paraîtrait essentiel de pouvoir introduire dans les SAPE. Ceci ne ferait alors, ni plus ni moins, que de rejoindre les recommandations nationales émanant de Pédiatrie Suisse :
https://www.paediatrieschweiz.ch/fr/news/recommandations-nationales-pour-le-port-du-masque/
Bien que se plaçant sur d’autres plans et toutes proportions gardées, il y a lieu de noter que d’autres milieux ont d’ores et déjà amorcé une prise de conscience en ce sens. À titre d’exemple, la prise de position de la faîtière des EMS qui, en décembre déjà, déplorait : « l’impact délétère » des mesures de confinement « sur la santé psychique des résidents et dans certains cas aussi sur leur santé physique » et appelait alors à une réévaluation des mesures sanitaires (https://www.rts.ch/info/suisse/11818198-les-ems-ne-veulent-plus-dun-nouveau-confinement.html ; consulté le 14/12/2020).
Cet exemple montre très clairement la prise de conscience, qui plus est par des services au premier front de la lutte contre l’épidémie, que l’on ne peut pas séparer l’application des mesures sanitaires de lutte contre le coronavirus d’autres enjeux d’ordre psychique et physique, mais aussi social, sous peine de générer des problèmes potentiellement très graves.
Enfin, à un tout autre niveau, (4) l’homologation prochaine de masques transparents ne doit, à nouveau, pas être vue comme une solution simple, applicable uniformément et sans nuances à une multiplicité nécessairement complexe de situations. Sans même parler du filtre qu’il constitue pour la voix des adultes et par conséquent pour l’apprentissage du langage, l’usage permanent de masques, même transparents, dans les SAPE resterait problématique du point de vue relationnel et éducatif, notamment lors des repas. Dans ce contexte précis, l’impossibilité pour les éducateurs/trices de montrer l’exemple en mangeant certains aliments face aux enfants est, en effet, potentiellement susceptible d’amplifier, si ce n’est de générer, des troubles de l’alimentation durables chez les enfants.
En vous remerciant pour l’intérêt porté à nos préoccupations, nous tenons encore à vous assurer, Madame la Conseillère d’État et Monsieur le Conseiller de État, de notre pleine conscience des responsabilités qui sont les vôtres.
Nous espérons alors sincèrement que vos décisions futures tiendront compte de la complexité des enjeux humains et des considérations éthiques mis en avant dans cette lettre ainsi que dans notre pétition.
Le collectif Primum Non Nocere
le Collectif Primum Non Nocere
Réponse préliminaire de Mme la Conseillère d'Etat
2020-11-22 13:18:08Suite à un mail de courtoise adressé à Mme Anne Emery-Toracinta au moment du lancement de notre pétition, nous avons récemment reçu la réponse préliminaire suivante :
"Monsieur,
La Conseillère d'Etat, Mme Anne Emery-Torracinta, accuse bonne réception de votre courriel du 27oct et vous en remercie.
Toutefois, elle vous rappelle que les décisions sanitaires dépendent de la médecin cantonale. Elle vous adresse, Monsieur, ses salutations les meilleures.
REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP)."
Voici la réponse donnée par notre collectif :
"Madame la Conseillère d'Etat, (copie au SSEJ),
Nous vous remercions de votre réponse. Si, tel que vous le rappellez à juste titre, "les décisions sanitaires dépendent de la médecin cantonale", il nous semble toutefois que les enjeux relatifs au port du masque dans les crèches (et à l'école) ne se limitent pas au strict domaine de la santé publique pour toucher également directement à des questions de développement, de formation et d'éducation des enfants dans leur ensemble. Le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) ayant notamment la charge, je cite : "d'offrir à tous les jeunes une formation de qualité et de favoriser leur développement harmonieux" (www.ge.ch), c'est la raison pour laquelle nous nous sommes adressé à vous.
Il nous paraît en effet qu'en tant que membre de l'exécutif cantonal en charge de ces questions vous êtes l'interlocutrice la plus légitime afin de faire valoir, aussi bien auprès de vos services que de vos collègues de l'exécutif, les enjeux éducatifs et développementaux inhérents au port du masque dans les SAPE.
le Collectif Primum Non Nocere
Article dans "Le Monde" : « Le port du masque à l’école élémentaire entrave l’apprentissage des enfants »
2020-11-22 12:45:47Sans occulter les raisons sanitaires, trois psychologues, Gérald Bussy, Jade Mériaux et Mathilde Muneaux, s’inquiètent, dans une tribune au « Monde » (19 novembre), des dommages du port du masque sur le développement cognitif et cérébral des plus jeunes. Ils appellent à entreprendre rapidement des études d’impact.
Si cet article concerne tous les enfants et pas uniquement les enfants en bas-âge, il nous paraissait néanmoins important de le partager avec vous.
Parmi les points importants soulevés dans cet article :
"Le port du masque prive l’élève des informations sur le mouvement des lèvres,
informations très utiles pour percevoir les phonèmes (sons composants notre langue qui sont retranscrits en lettres dans la lecture). L’importance de la perception du mouvement des lèvres sur le traitement de la parole est attestée depuis l’étude de McGurk et MacDonald en 1976 dans le célèbre journal scientifique Nature. Les auteurs ont montré que lorsque le mouvement des lèvres ne correspondait pas au son entendu, les participants adultes percevaient un son différent. Par exemple, lorsque les participants entendaient le son « ba » alors que le mouvement des lèvres le produisant correspondait au son « ga », ils entendaient en fait le son « da »."
"Nous n’avons à l’heure actuelle trouvé qu’une seule étude réalisée avec des adultes dans le champ de la perception des émotions. Cette étude va dans le sens d’un impact négatif dans la relation à l’autre. En effet, les résultats montrent que la lecture émotionnelle est fortement impactée par la présence d’un masque (Claus-Christian Carbon, 2020)."
Les auteurs concluent enfin :
"ne serait-il pas pertinent de débuter rapidement des études sur l’impact du port du masque sur le développement et les conditions d’apprentissage des élèves avant de maintenir une mesure qui pourrait s’avérer irréversible sur le développement cognitif et cérébral de l’enfant ?"
le Collectif Primum Non Nocere
Article scientifique sur les impacts potentiel sur les enfants du port du masque par les adultes
2020-10-29 10:49:47Suite au lancement de notre pétition, nous avons été informés que l'un des articles scientifiques cités en référence dans notre pétition n'était plus disponible sur internet.
Afin que chacun puisse se faire son opinion en toute connaissance de cause, il nous paraît important de le mettre à disposition ici.
N'hésitez alors pas à le faire circuler le plus largement possible.
Bonne lecture et encore merci pour votre soutien.
Le collectif "Primum Non Nocere"
De l’effet du port du masque chez l’adulte sur le développement de l’enfant – 2020-06-16
DE L’EFFET DU PORT DU MASQUE CHEZ L’ADULTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
• Jean-François Chicoine, pédiatre, CHU Sainte-Justine
• Marie-Claude Roy, pédiatre développementaliste, CHU de Sherbrooke
• Marc Lebel, pédiatre-infectiologue, CHU Sainte-Justine
Avec la collaboration de :
• Alexandra Drouin Paquette, orthophoniste B.Sc., M.P.O., Orthophoniste OOAQ
• Marie-Claude Paquette, M.O.A., Orthophoniste, Directrice du développement professionnel, Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec
• Martine Paquin, orthophoniste, CHU Sainte-Justine
• Annie Salois, courtière de connaissances du service d'orthophonie, CHU Sainte-Justine
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Le port du masque chez l’adulte qui prend soin d’un enfant a des conséquences directes sur le développement et les apprentissages de celui-ci. Ces blessures ou occasions manquées concernent ses développements sensoriperceptif, socioaffectif et langagier. À long terme, le port du masque pourrait expliquer pourquoi des enfants communiquent moins, pourquoi des enfants ne savent pas comment communiquer, pourquoi des enfants sont moins empathiques quand ils communiquent et pourquoi leur processus de pensée n’a pas été suffisamment enrichi par la communication. Ce portage par les éducatrices, les professeurs et certains soignants est donc un sujet grave dont il faut urgemment tenir compte.
DÉVELOPPEMENT SENSORIPERCEPTIF
Pour un enfant, tout est langage, tout ce qui se passe autour de lui, tout ce qu’il observe.
Françoise Dolto, Tout est langage, 1987
Dès les premiers mois de vie, le cerveau du bébé se développe à partir des sensations que l’environnement lui propose et qui formeront chez lui autant de circuits neurologiques permettant des perceptions, notamment en occipital, en temporal et en pariétal, puis en orbitofrontal. L’imagerie effectuée chez des nourrissons en développement au naturel contribue à le rappeler autant que, par la négative, la privation expérimentale animale délibérée depuis les découvertes de Hubel (Hubel 70). Une fragilisation sensorielle est ainsi, peu ou prou, la promesse d’un appauvrissement sensoriperceptif attendu.
➢ d’après Ayres 79, Field 85
➢ Hubel D.H. & Wiesel T.N. The Period of susceptibility to the physiological Effects of unilateral Eye closure in Kittens, Journal of Physiology 206, no 2, feb 1970
De l’effet du port du masque chez l’adulte sur le développement de l’enfant – 2020-06-16
Tout le corps de l’adulte, parent ou soignant, participe activement à cette fondation neurologique par l’entremise du toucher, du bercement (vestibulaire), du positionnement (proprioception), de l’audition, de la vision, de l’odorat et du goût. Plus particulièrement, la captation par le bébé du visage de l’adulte, sa portion haute par le pouvoir des yeux, ainsi que sa portion basse par le sourire, sont ainsi les éléments fondateurs du bébé comme personne. On comprendra aisément que l’expression d’une émotion implique les muscles du haut comme ceux du bas du visage. Spitz, à qui l’on doit les premières observations sur le développement du sourire, s’est intéressé au départ à la portion haute du visage de l’adulte comme vectrice d’émotion. (Spitz 79) Depuis, les chercheurs se sont penchés sur le pouvoir porteur de l’entièreté du visage. Par exemple, Plusquellec de la faculté des Sciences de l’Éducation à l’UDM rapporte qu’avec un masque, un adulte ne perçoit que partiellement les émotions et peut mal les interpréter (ex. mêmes sourcils froncés lors de l’expression de la colère et du dégoût; ce qui va distinguer ces émotions, c’est uniquement le bas du visage)
➢ Plusquellec 18
➢ d ’après Field 85, Brazelton 03, Ferland 04, Greenspan 95, Greenough 92, Lemay 93
➢ Spitz, De la naissance à la parole, Presses universitaires de France, Paris 1979
➢ Plusquellec, P. François, N. Votre intuition, ce super pouvoir, Trecarre, Montreal, 2018
Au départ de la vie, le tout-petit n’est pas encore capable de reconnaître l’adulte, d’y voir un signifiant ou d’interpréter le sens de l’expression à partager, mais il travaille pour en faire un construit s’élaborant majoritairement jusqu’à ses 5 ans. Le visage de l’adulte, dans son ensemble, se fait ainsi le point tournant de la neurogénèse et de l’élagage neuronal chez le nourrisson qui, de fait, est extrêmement dépendant de ses écosystèmes. Dès ses 2-4 mois par exemple, un enfant va s’intéresser activement aux figures vivantes, les préférant largement à des images d’objets, d’animaux et de plantes. On peut dire que le bébé s’accroche aux yeux de sa figure d’attachement au départ, puis aussi à son sourire, inclusivement.
Avec le temps, ce nourrisson utilisera l’ensemble des mimiques de l’adulte comme port d’attache pour ses explorations. Enfin, il en reproduira l’essentiel par imitation afin de parfaire toutes les dimensions de son développement psychomoteur. Le visage de l’un se fait ainsi porteur de sens pour l’autre parce que les apprentissages des mouvements moteurs se font justement par imitation. La parole étant un mouvement de la bouche et du visage, l’imitation joue un rôle charnière pour le développement de celle-ci ainsi que pour supporter tous les autres éléments de la pragmatique de la communication, jusqu’à l’empathie. La plupart des recherches sur les neurones miroirs viennent appuyer cette théorie qu’est l’imitation. Ces études démontrent clairement l’activation chez l’observateur des mêmes neurones nécessaires au mouvement que celui qui réalise l’action devant lui. Il est même démontré que le cerveau de l’observateur peut activer «à l’avance» les neurones requis pour réaliser un mouvement en prédiction d’une action, lorsqu’il est capable de la prédire. (Wilson & Knoblich, 2005) Donc, un enfant essayant d’acquérir un son ou un mouvement de la bouche pourra activer
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les mêmes neurones que son interlocuteur en regardant l’action motrice de la bouche. Il pourra ultérieurement y trouver une résonnance affective et une compréhension cognitive, bref il pourra par l’imitation ressentir et deviner autrui. Toutes les bases de l’empathie de la neuroception, en passant par les neurohormones et les neuroperceptions du visage constituent un champ de recherche fructueux dominé par les travaux de Jean Decety.
➢ Sroufe 79, de Heering 05, Hoffman 14, Decety 09, Rizzolatti 96
➢ Cyrulnik B, La naissance du sens, Pluriel 1990
➢ Wilson, M., & Knoblich, G, The Case for Motor Involvement in Perceiving Conspecifics. Psychological Bulletin, pp. 460-473, 2005.
➢ Hoffman, M.L. How automatic and representational is empathy and why? Brain and Behavioral Sciences, vol 25, 2001
➢ Decety, j. Mécanismes neurophysiologiques impliqués dans l'empathie et la sympathie, Revue de neuropsychologie, 2010/12, pages 133-144
Plus spécifiquement, la compréhension et l’identification des sons de la parole se font de façon multisensorielle. Plusieurs études démontrent l’intégration multisensorielle au niveau du cortex auditif afin de bien comprendre et assimiler les sons de la parole. L’utilisation d’une entrée bimodale, soit visuelle et auditive, en comparaison avec une situation unimodale, soit seulement auditive, comporte des effets positifs sur la compréhension des sons de la parole. Le son est jugé davantage «saillant», donc plus fort et plus franc (mieux défini au niveau de l’activation des neurones). (King & Walker, 2012) (Tomalski, 2015) Afin de bien démontrer cet effet, plusieurs auteurs se réfèrent à l’effet McGurk, documenté initialement par Harry McGurk. Cet effet démontre bien que les modalités visuelles et auditives se complètent, puisqu’en présence d’une information auditive et visuelle contradictoires, le cortex auditif nous fait percevoir un son qui n’est pas celui présenté auditivement (exemple, auditivement un «t», visuellement un «g», on perçoit «d» ). Donc, les indices visuels de la parole rendent le message auditif plus saillant et peuvent même modifier ce que l’on entend, une autre preuve que les indices visuels aident à l’intégration des sons. Ces considérations ont un impact immense en thérapie, notamment avec les enfants qui souffrent d’un trouble de langage où la parole est laborieuse à engrammer et à décoder.
➢ King, A. J., & Walker, K. M. , Integrating information from different senses in the auditory cortex. Retrieved from https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4340563/, 2012
➢ Tomalski, P., Developmental trajectory of audiovisual speech integration in early infancy. A review of studies using the McGurk paradigm. Psychology of Language and Communication, pp. 77-100, 2015
Toute privation sensorielle, et qui plus est multisensorielle, est délétère. Elle entraîne des pertes de poids, des régurgitations, du stress, des pleurs excessifs et des retards développementaux plus ou moins sévères et conduit ultérieurement à des troubles développementaux, de comportement et des conduites. Sur la question, les données sont nombreuses et riches, à la fois en recherche animale qu’en observation humaine, chez les enfants négligés, abandonnés, hospitalisés ou institutionnalisés.
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➢ Ayres 72, Haradon 94, Federici 90, Bhreathnach 09, Manganello 09, De Gangi 91, Kinnealey 95, Royeen 91 Jacobs 10,
➢ Harlow, H. The Nature of Love University of Wisconsin, American Psychologist, 13, 573-685,1958.
➢ Reid et coll., Unmasking the Psychopath, NY, Norton,1986
➢ Ardiel E. & Rankin C, The importance of touch in development, Ped Child Health 2010
➢ Cermark S.A, Daunhauer L.A. Sensory processing in the postinstitutionalized child. The American Journal of Occupational Therapy 1997;51(7):500-507, 1997
En psychopathologie du développement, la privation sensoriperceptive prolongée explique les troubles de modulation sensorielle et d’intégration sensorielle. Elle est à l’origine de troubles comportementaux, de troubles du sommeil et de troubles d’apprentissage rencontrés chez 1 à 2 enfants sur 5. Notamment chez les enfants ayant vécu de l’abandon et de la négligence, la privation sensoriperceptive va donner le change pour des troubles de la coordination motrice, des dyslexies de surface ainsi que pour des troubles déficits de l’attention (TDAH).
➢ Cermak 97, Miller 07
➢ Carlson M, Earls F. (1997) Psychological and neuroendocrinological sequelae of early social deprivation in institutionalized children in Romania. Ann N Y Acad. Sci. 1997; 807:419-428
Des expériences prospectives sur le vivant ne seraient évidemment ni souhaitables ni éthiques. Le passé obligé avec d’autres coronavirus a été cependant éclairant sur la question.
Une étude rétrospective sur l’effet du SARS en 2003 et ses mesures conséquentes sur le développement des enfants révélait que l’exposition à cette pandémie était significativement associée à un retard dans l’acquisition de bornes développementales comme la marche autonome, la production de phrases complètes, le compter jusqu’à 10 et le déshabillage pour aller aux toilettes. Les auteurs y commentaient notamment, en plus de la privation d’activités extérieures et de la quarantaine, le port du masque comme pouvant affecter la communication non verbale entre les enfants et les adultes, causant ainsi des impacts psychosociaux, par l’affaiblissement des connexions cognitives et sociales.
➢ Fan and al. SARS pandemic exposure impaired early childhood development: A lesson for COVID-19, 2020
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DÉVELOPPEMENT SOCIOAFFECTIF
Les parents communiquent leur compréhension de l'esprit à leurs enfants, et au fur et à mesure que le processus continue, leurs enfants commencent progressivement à comprendre l'esprit de leurs parents.
Peter Fonagy, 2000
Les réflexions du visage du bébé, bon premier à amorcer le dialogue, sur le visage de son parent ou de son éducateur, puis sur le visage du bébé et ainsi de suite pour longtemps permettent l’imitation réciproque, l’intersubjectivité et des ajustements sensoriels, émotionnels, langagiers, puis cognitifs sans fin. Nous sommes ici aux origines du tour de parole, de la régulation affective, de l’attachement, avec un passeport pour la psychoéducation. À cela, participe le haut du visage jusqu’au nez, puis le bas du visage où l’adulte s’exprime par son sourire, sa surprise ou sa désapprobation de ce qu’il observe. Cette première étape du développement affectif se nomme le mirroring. En termes visuels et sonores, elle permet des ajustements de ton et de rythme entre l’adulte et l’enfant dans des espaces-temps qui se chiffrent en millisecondes. La corégulation des émotions qui en résulte, nommée accordage par Daniel Stern, jeu interactif par Panksepp, permet la réassurance constante de l’enfant en développement et la construction subtile de son système d’attachement/séparation garant de sa conception ultérieure de la vie.
➢ Stern 85, Panksepp 01, Chicoine & Lemieux 06
➢ Jéliu G, Cousineau D. Le cerveau et l’amour maternel. PRISME 2003; 40:118-125, 2003
Les visages impassibles et inexpressifs entraînent beaucoup de détresse chez les bébés. Par un déclenchement ravivé de leurs amygdales cérébrales, on peut observer leurs mimiques apeurées, puis soulagées, dès leurs 3 mois de vie. À cet âge déjà, ces petits traumatismes s’incorporent dans leur hippocampe et leur mémoire événementielle. Entre l’âge de 9 et 24 mois, ils contribuent aussi à l’insécurité affective des nourrissons, voire à leurs styles affectifs ultérieurs. L’expérience la plus célèbre en la matière est celle de Tronick, dite « still face ». Elle confronte un jeune enfant à une mère qui après avoir d'abord normalement interagi avec son bébé, se tait et garde un visage inexpressif. En moins d’une minute, après avoir cherché à rétablir un contact par divers moyens le bébé perd son contrôle et exprime sa détresse.
➢ Murray 97
➢ Tronick, E., Als, H., Adamson L. et Wise, S. The Infant's Response to Entrapment between Contradictory Messages in Face-to-face Interaction, Journal of the American Academy of Child Psychiatry, vol. 17 (1,), 1-13, 1978
Sur des semaines et des mois, les enfants privés du regard des adultes se détournent du visage de leurs figures maternantes. De la même façon, les pédiatres observent de plus en plus d’enfants au regard vide depuis la surutilisation des appareils portables par les parents qui les nourrissent ou depuis que des masques sont quotidiennement portés pour leurs soins chez les
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hospitalisés. Dans les mois qui suivent la poursuite de la privation, ces enfants n’arrivent plus à soutenir leur intérêt pour leurs soignants. Cette absence d’accordage va tout compliquer, la passation d’information autant que leur sécurisation affective. Certains bébés dépriment, d’autres deviennent plus colériques. Tous perdent du temps à se développer. À cet appauvrissement du langage du corps, la bouche participe, de plus en plus après les yeux à partir de 2-4 mois. Privé du bas du visage de l’autre, perdant une bonne partie de ces informations infraverbales, l’enfant peut se sentir davantage confus dans ses interprétations. Sans sourire, les enfants perdent nos félicitations, nos encouragements et nos remerciements non verbaux, ils perdent intérêt, joie et plaisir. Il est d’ailleurs extrêmement difficile de vacciner un enfant tout en portant un masque.
➢ Dethier 09, Bhreathnach 09, Rygaard 03, Golse 01, Marinopoulos 10 Schore 03, Grossman 86, Appleman 00, Nicely 00, Siegel 99,
➢ Field 96, Jaffe 01, Thompson, 00; Schore 03, Siegel 99, Duke 96, Fonagy 00
➢ Schore, A. N. Affect Regulation and the Origin of the Self: The Neurobiology of Emotional Development. Mahwah, NJ: Erlbaum, 1994.
➢ Schore, A. N. Affect Dysregulation and Disorders of the Self. New York. W. Norton, 2003.
➢ Schore A.N. Contributions from the decade of the brain to infant mental health: An overview. Infant Mental Health Journal 2001; 22(1-2):1-6, 2001
Selon les circonstances, les effets du port du masque sur l’anxiété de certains parents ou éducateurs pourrait avoir ses effets sur le lien adulte-enfant et conséquemment sur le lien d’attachement entre l’enfant et l’adulte. Chez des patients adultes, la conjoncture psychique a aussi interpellé des psychiatres. Une étude récente, en plein COVID, rapporte l’effet du masque comme vice palpable de la communication en milieu de soin. Le portage diminue le sentiment de confiance entre l’intervenant et le patient, il y réduit la perception de la parole, car la voix y est « étouffée », surtout il réduit la communication des émotions, ayant seulement alors seulement accès aux yeux et aux sourcils pour exercer son intersubjectivité.
➢ Menta and al The “mind” behind the “mask”: Assessing mental states and creating therapeutic alliance amidst COVID-19, 2020
La problématique de l’expression non verbale des émotions, bref du langage sans la parole, a été largement couverte chez l’adulte. Sur ces questions, des recherches et des communications constantes sont faites par des psychologues et des orthophonistes versés dans la pragmatique de la communication. De fait, on note 50-60% d’amélioration de la compréhension avec la lecture labiale et une atténuation de la voix de 12dB avec le port du masque, chez l’adulte. Les bris de communication à prévoir feraient donc légion.
➢ SRC, Les effets des masques sur la communication, LES ANNÉES-LUMIÈRE, 17 mai 2020
➢ Fesher N. Speaking under cover: The impact of face-concealing garments on the acoustic of fricatives, 2011.
De l’effet du port du masque chez l’adulte sur le développement de l’enfant – 2020-06-16
On rappelle que de nombreux enfants vulnérables peuvent voir leur trajectoire développementale s’améliorer en services de garde à condition que ceux-ci soient de bonne qualité, utilisés précocement et sur une longue durée. Nous ne disposons d’aucune donnée sur l’influence du port du masque chez l’adulte sur les expériences de stimulation des enfants à risque affectif ou social.
➢ Paquet, G. Partir au bas de l’échelle, Les presses de l’université de Montréal, 2005
➢ O’Brien-Caughy, M., DiPietro, J. A. et Strobino, D. M. Day-care participation as a protective factor in the cognitive development of low-income children. Child Development 1994, 65, p. 457-471.
➢ Caughy, M., Di Pietro, J. et Strobino, D. Day-care participation as a protective factor in the cognitive development of low-income children. Child Development 1994, 65, p. 457-471. Cloutier et al. La spécificité de l’organisation des services de garde en milieu défavorisé. Sainte-Foy, Université Laval, Centre de recherche sur les services communautaires, 1994, dans Institut de la statistique du Québec. Enquête québécoise sur la qualité des services de garde éducatifs, Québec, 2004
➢ Howes, C. L’impact des services à la petite enfance sur les jeunes enfants (0-2 ans), dans Tremblay, R.E., Barr, R.G. et Peters, RDeV. (dir.). Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants. Montréal, Québec, Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, 2004-1-4. Disponible sur leur site Internet, juillet 2005.
➢ Knitzer, J. Interventions visant à promouvoir le développement social et émotif sain des enfants de familles à faibles revenus, dans Tremblay, R.E., Barr, R.G. et Peters, RDeV. (dir.). Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants (sur Internet). Montréal, Québec, Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, 2003, p. 1-6.
DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE
Le fait que l’enfant ait acquis l’essentiel d’un tel savoir dès l’âge de 4 ans, et, ce sans effort apparent, est un mystère qui intrigue les chercheurs depuis longtemps.
Diane Daviault, 2011
Les nouveau-nés ont une capacité à apprendre tous les sons de la parole. Les sons développés et utilisés par l’enfant sont ensuite modulés par la langue maternelle, par exemple le français. Afin de développer ces sons, l’enfant doit diriger son attention vers le son lui-même, donc la modalité auditive, mais aussi vers le visage de son parent. Il est démontré que le poupon dirige davantage son regard vers la bouche de l’adulte, et ce, de façon plus en plus importante lorsqu’il vieillit. Ainsi, un enfant de 6 mois porte davantage attention à la bouche de son parent qu’un enfant de 4 mois qui, lui, porte au départ attention aux yeux de son parent ou de la personne qui prend soin de lui.
L’augmentation graduelle du niveau de langage expressif auquel on assiste est tributaire de cet échange. Après plusieurs essais d’imitations pour placer ses lèvres et sa bouche dans la position qu’il aura observé sur la bouche de l’adulte, le nourrisson finit ainsi par mieux reproduire les sons de la parole. Cette première étape qui donnera lieu à un « papapa » permettra ultérieurement d’accéder à un « papa » renforcé par le large sourire de son paternel. À noter que cette prise de conscience phonologique est notamment une étape indispensable dans le développement de la lecture. La recherche nous apprend qu’un enfant qui porte davantage attention à la bouche aura un langage expressif plus développé qu’un autre enfant du même âge qui porte une attention moins grande à la bouche (Tsang
De l’effet du port du masque chez l’adulte sur le développement de l’enfant – 2020-06-16
18). Le regard vers la bouche jouerait ainsi un rôle prédominant dans le développement des habiletés expressives, les indices visuels du visage constituant de puissants moyens de développer le volet expressif du langage. Plus encore, une étude révèle que l’attention vers la bouche aiderait, non seulement au développement des habiletés expressives, mais aussi réceptives du langage, soit la compréhension du message auditif. Pour ses auteurs, la direction du regard vers la bouche ainsi que les activations conséquentes au niveau neuronal chez les petits prédisent les habiletés de compréhension des stimuli auditifs de la parole dans la deuxième année de vie.
➢ Kushnerenko 13
➢ Pannetier 10, Drouin-Paquette 20
➢ Tsang, T., Atagi, N., & Johnson, S. P. (2018, May). Selective attention to the mouth is associated with expressive language skills in monolingual and bilingual infants. Journal of Experimental Child Psychology, pp. 93-109.
Dans leur deuxième et troisième année de vie, les enfants vont activement poursuivre leur acquisition du langage. Pour qu’ils arrivent à bien comprendre, les orthophonistes nous apprennent qu’ils ont aussi besoin d'associer le son entendu au mouvement de la bouche. Lorsque cette dernière n'est plus visible, ils perdent ce «double aspect» de la compréhension du monde. Les enfants n’ayant pas atteint la pensée symbolique avant leurs 18-24 mois, souffrent certainement particulièrement de cet état de fait parce qu’ils sont incapables de se représenter le sourire supposé caché sous le masque d’un donneur de soin.
➢ Houdé, O. L’esprit Piagétien, PUF, 00
➢ Lécuyer, R. Psycho du développement, Dunod 04
Clairement, le port du masque en milieu de garde, et sur une durée prolongée, va entraver l’accès à l’enfant à des informations essentielles pour le bon développement des habiletés langagières. À l’appauvrissement des signaux visuels, les signaux auditifs se font également trop insuffisants pour réaliser un apprentissage complet et normal. Est en cause la distorsion des sons causée par le port du masque. Il a d’ailleurs été documenté que la compréhension de la parole avec un masque de procédure est moindre qu’en situation sans masque. (Wittum, 2013). La conjoncture est aussi d’autant plus délétère en présence d’un trouble du langage ou d’une déficience physique ou intellectuelle.
➢ Wittum, K. J. (2013, April). The Effects of Surgical Masks on Speech Perception in Noise. Retrieved from https://kb.osu.edu/bitstream/handle/1811/54759/1/Thesis_to_Upload.pdf
Le niveau de bruit en milieu scolaire est bien démontré. Plusieurs études s’entendent pour dire que le niveau de bruit entrave grandement plusieurs sphères du développement et de la santé des professeurs, intervenants et élèves. La discrimination auditive, soit bien entendre un son ou mot/phrase, est d’ailleurs nettement influencée par la condition de bruit dans la classe. (Nober & Nober,
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1975). Dans ces situations d’apprentissage, ajouter le port du masque complique davantage les choses. Les apprentissages, langagiers et autres, sont donc entravés par ces deux barrières que sont le bruit pour l’accès à l’information sonore et le port du masque pour l’accès à l’information visuelle, deux informations jugées critiques afin de bien comprendre la parole. Le port du masque en milieu scolaire est donc également préjudiciable pour la bonne réussite des enfants. À noter que le masque chirurgical transparent améliorerait les performances de perception de la parole pour les auditeurs ayant une déficience auditive.
➢ Atcherson and al. The Effect of Conventional and Transparent Surgical Masks on Speech Understanding in Individuals with and without Hearing Loss, 2017.
➢ Nober, L. W., & Nober, E. H. Auditory Discrimination of Learning Disabled Children in Quiet and Classroom Noise. Journal of Learning Disabilities, 1975.
En audiologie, il est également reconnu que les enfants ont besoin d’un rapport signal/bruit plus élevé que les adultes pour le développement du langage et les apprentissages scolaires. Le masque agit comme un filtre acoustique, atténuant les hautes fréquences (2000-7000 Hz) parlées (3 à 4 dB avec un simple masque médical à près de 12 dB avec un N95). La dégradation de la qualité de la parole, combinée avec le bruit ambiant/réverbération et l’absence d’indices visuels, rendent la parole souvent inintelligible pour les enfants ou les adultes, plus encore en présence d’une perte auditive aigue ou subaiguë, comme lors d’otites moyennes, ou chroniques en présence de surdité. Aussi, il faut en tenir compte, les niveaux de bruit dans une garderie dépassent largement ceux rencontrés au domicile de l’enfant.
➢ Goldin and al How Do Medical Mask Degrade Speech Reception? Hearing Review, 2020
Les personnes les plus affectées par le port du masque sont notamment les personnes ayant une perte auditive, un trouble de langage, un trouble cognitif (comme la déficience intellectuelle), un trouble du spectre de l’autisme ou un trouble d’apprentissage. Rapporté au monde des enfants, on parle ici pour des raisons organiques, cognitives ou émotionnelles d’un enfant sur 5 à un enfant sur 4. Le rôle délétère d’un environnement appauvri, notamment par le port du masque et l’inexpérience du sourire, pourrait être renforcé et les conséquences comportementales et éducationnelles réaffirmées.
➢ Wilcox 04, Wang 06, Benoît 96, Rutter 98, Lamour 03
10 % des enfants du Québec ont un retard de développement langagier déjà significatif. Cela va même jusqu’à 20 % dans certaines populations vulnérables ou chez les enfants adoptés ou des familles d’accueil. L’accès aux indices visuels lors de la réadaptation en langage est crucial. Les types d’intervention, notamment pour la réadaptation des sons de la parole, passent par l’imitation motrice, la manipulation des articulateurs donc de la bouche et du visage ainsi que par des stratégies proprioceptives (s’approprier le mouvement en «sentant» le mouvement ou la position de notre bouche). Ces trois types d’interventions nécessitent donc une image visuelle de la bouche de l’orthophoniste ou du thérapeute afin de bien
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réaliser l’approche thérapeutique. Ces approches sont documentées dans plusieurs livres d’interventions. Les auteurs indiquent clairement que l’imitation motrice et les indices visuels sont des acteurs importants dans plusieurs de leurs approches. De plus, l’orthophoniste doit parfois manipuler directement les articulateurs, soit la bouche et le visage, parfois la langue de l’enfant, dans certaines méthodes d’interventions afin de stimuler la production des sons (par exemple, l’utilisation de la méthode PROMPT). L’orthophoniste utilise donc parfois sa propre bouche afin de démontrer à l’enfant son intervention, ou celle de son parent. Le port du masque complique grandement ce type d’intervention. Décidément, l’accès à l’information visuelle et motrice des articulateurs s’avèrent davantage crucial pour ces enfants ayant des difficultés langagières.
➢ (Caruso & Strand, 1999) (Marshalla, 2019) (Van Riper, 1996)
➢ De Geer 92, Glennen 02, Roberts 05
➢ Caruso, A. J., & Strand, E. A. Clinical Mahagement of Motor Speech Disorders in Children. New York: Thieme, 1999
➢ Marshalla, P. The Marshalla Guide: A Topical Anthology of Speech Movement Techniques for Motor Speech Disorders & Articulation Deficits. Ashland, OR: Marshalla Speech & Language, 2019
➢ Riper, C. V. Speech Correction: An Introduction to Speech Pathology and Audiology. Allyn and Bacon, 1996
Des milliers d’enfants québécois reçoivent des traitements orthophoniques en garderie, soit par la répétition d’exercices au quotidien par leur éducatrice ou la psychoéducation, soit via l’intervention directe de l’orthophoniste. Dans une étude, les résultats du port du masque démontrent que les sujets normaux exposés ont produit plus d’erreurs d’identification de la syllabe lorsque le bas du visage était caché. L’obstruction visuelle du bas du visage affectait davantage les /ba/, /bi/, /va/, /vi/ (phonèmes produits avec les lèvres), en comparaison avec les /ga/,/gi/. Une autre recherche rapporte que le masque chirurgical altére davantage l’intelligibilité de la parole sur les sons en hautes fréquences que les autres couvre-visages. Cet état de fait ne peut pas être acceptable dans une perspective de soin équitable et efficiente. Les enfants présentant des retards de langage ou des troubles langagiers mal pris en charge présentent des trajectoires d’agressivité, de mésestime de soi et d’échec scolaire.
➢ Jordan & Thomas (2011) When half a face is as good as a whole: Effects of simple substantial occlusion on visual and audiovisual speech perception
➢ Llamas and al. (2008) Effects of different types of face coverings on speech acoustics and intelligibility
Rappelant l’importance des services de garde pour le développement des enfants et le salaire de leurs familles, et dans la perspective d’une pandémie qui s’échelonnera sur plusieurs mois, pour des enfants qui fréquentent leur milieu de garde souvent jusqu’à 50 heures par semaine (plus de 60% de leur vie éveillée), il est impensable d’obliger les éducateurs à porter le masque de protection. Les plus récentes données dans la littérature confirment la transmission et la propagation limitées de la COVID 19 par les enfants. À contrario, le port du masque en continu par les éducateurs aura des
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conséquences négatives importantes sur le développement sensoriperceptif, socioaffectif et langagier des tout-petits.
Le masque de protection devrait donc être disponible en milieu de garde, mais ne devrait d’aucune façon être imposé aux éducateurs.
le Collectif Primum Non Nocere
Position officielle de Pédiatrie Suisse
2020-10-26 12:09:27Suite au lancement de notre pétition ce matin (26 oct. 2020), Pédiatrie Suisse vient de nous informer avoir envoyé jeudi passé une newsletter à ses membres en les rendant attentifs aux recommandations nationales concernant le port de masque avec des exceptions bien documentées pour les crèches.
Dans ce document, pour l'heure disponible uniquement en allemand, Kibesuisse (Association suisse des services de garde d'enfants), l'Institut Marie Meierhofer pour l'enfant (MMI) et QualiKita expliquent notamment pourquoi ils s'opposent à une obligation permanente de porter un masque dans les crèches sans exceptions définies :
"[...] Les jeunes enfants ont des besoins élémentaires en matière de relations et de communication. Ils s'orientent par les expressions du visage, les gestes, le langage et la posture. La bouche de l'autre personne ne joue pas le seul rôle, mais un rôle important, notamment pour l'acquisition du langage. [...]"
"Afin de continuer à garantir le bien-être et le développement sain des enfants pris en charge, des exceptions sont recommandées d'urgence pour les contacts entre les personnes qui s'occupent des enfants et les enfants conformément au concept de protection, à condition qu'elles soient pleinement documentées et que seuls quelques enfants soient concernés. [...]".
https://www.paediatrieschweiz.ch/fr/news/recommandations-nationales-pour-le-port-du-masque/
Cette avis de Pédiatrie Suisse émis au niveau national se doit d'être relayé auprès des autorités cantonales du Canton de Genève, afin de revenir à une recommandation du port du masque dans les Structures d'accueil de la Petite Enfance en lieu et place de l'obligation actuelle.
le Collectif Primum Non Nocere