CONTRE la loi ESR "Fioraso", parce que POUR la langue française !


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2013-05-21 15:32

Partisane de l’introduction de l’anglais dans l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso s’apprête à affronter la bronca des députés. Il faut la plaindre, car son combat est juste.

Il est aussi malheureusement tardif, mais la ministre n’est pas responsable de tant d’années perdues. Pour mémoire, en 1990, voilà donc presque un quart de siècle, Jo Ritzen, alors ministre hollandais de l’éducation, plaidait déjà pour la conversion à l’anglais de l’enseignement supérieur avec un argument assez simple pour être compris par tous :

"Si notre enseignement supérieur ambitionne de compter dans le registre des sciences, il lui faut être toujours plus international".

Pour jouer dans la cour des grands, la langue hollandaise constituait un frein, qu’il fallait faire sauter. Ce qui fut fait. En 2009, à l’université d’Utrecht, 89 des 196 programmes au niveau master, et 105 sur 170 à l’université d’Amsterdam étaient proposés en anglais. Plus récemment, en mai 2012, les Polytechnics italiens se convertissaient à l’anglais. En Suisse, toutes les hautes écoles universitaires ont depuis longtemps largement ouvert leurs cours à l’anglais à partir du niveau master, même si la plupart des enseignements du cycle Bachelor (les 3 années de licence) restent professés en français ou en allemand.

Nos étudiants ne sont pas les derniers à demander une généralisation de l’anglais dans leurs cours. Voilà deux ans, une enquête menée auprès des étudiants de l’université Pierre et Marie Curie montrait que 72% des répondants souhaitaient "davantage de cours en anglais".

À la différence des députés résistants et de beaucoup d’enseignants-chercheurs installés dans le fonctionnariat qui s’imaginent batailler contre "l’impérialisme américain", nos étudiants semblent avoir noté que parlé par un milliard de locuteurs sur la planète, l’anglais n’était plus un sujet de débat dans l’enceinte scientifique, mais un indispensable viatique dans la guerre mondiale des cerveaux, comme l’annonce Bruno Sire. Peut-être tremblent-ils aussi à l’idée de devoir, un jour prochain, se convertir non pas à l’anglais mais au chinois, qui semble d’accès un peu plus ardu.

La guerre de positions que s’apprêtent à livrer les parlementaires français n’est donc pas même un baroud d’honneur. C’est du pur gâchis. On soupçonnera encore nombre de ces intraitables députés socialistes d’avoir fait suivre à leurs rejetons une scolarité sinon bilingue, mais certainement agrémentée de séjours linguistiques, non en Moldavie, mais dans la sphère anglo-saxonne.

Interroger individuellement les pourfendeurs de l’introduction de l’anglais dans l’enseignement supérieur sur cette question précise permettrait de révéler son habituel lot de Tartuffe. Laissons le dernier mot à un grand historien. "Il faut […] oser enfin parler et écrire l’anglais et cesser de se réfugier derrière les arguments de l’Académie française qui ne font que produire des docteurs qui ne savent pas et ne peuvent pas communiquer à l’extérieur de l’hexagone", écrivait voilà peu Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur au Collège de France . Qui lui donnera tort ?