Non à la suppression de la qualification par le CNU

Lucie

/ #650 CNU : entre opacité et copinage

2013-06-26 09:11

La sélection par le CNU dans les matières juridiques tient de l'aberration :
- sélection sur dossier sans rencontre avec les candidats (difficile d'apprécier leur compétence pédagogique, or l'enseignant chercheur est aussi un enseignant, n'en déplaise à certains)
- manque de transparence : les candidats recalés ont du mal à obtenir les rapports qui les concernent et ont peur d'insister de peur de se faire mal voir pour la session suivante
- les critères de sélection ne sont pas transmis (on parle par exemple de la qualité de la thèse : alors qu'une thèse est sanctionnée d'une mention très honorable avec félicitations du jury, qu'elle est primée et/ou éditée, deux rapporteurs - car ils ne sont que deux à étudier le cas de chaque candidat - peuvent décider que cette thèse n'a pas la valeur scientifique suffisante, en motivant succinctement leur décision)
- les dossiers ne sont pas anonymes et les calculs vont bon train : combien de candidats de telle fac ? qui préside le CNU ? parisien ? provincial ? fac amie ? fac ennemie ?
- la sélection par le CNU illustre très bien le décalage entre l'Université et le reste du monde du travail : on reste entre soi, dans le secret, on écoute les bruits de couloirs, on trafique de l'influence, on se rend des services, on s'appuie, on s'accole, bref on se coopte, et on est incapable de l'assumer.
Au final, les plus grandes Universités (en terme de notoriété de leurs enseignants) sont aussi les plus mal notées en terme d'insertion professionnelle. Ces grands chercheurs, dont l'objectif d'une vie aura été la reconnaissance universitaire, se contentent de soigner leur dossier, d'écrire des articles, de participer à des conférences. L'enseignement ? L'enseign... quoi ? Ne les insultez pas, l'enseignement, les corrections de copies, ou pire encore la pédagogie, c'est bon pour les doctorants, sbires aux dents tellement longues qu'ils sont prêts à se laisser piétiner en espérant un jour à leur tour être qualifiés.
Je me demande parfois si c'est parce que devenir enseignant chercheur est un parcours du combattant qu'une fois en place, les universitaires relâchent la pression et cessent leurs efforts : certains de leur inamovibilité, ils n'ont plus rien à prouver. Ils peuvent dès lors se contenter d'exercer leur pouvoir sur les impétrants et de marcher sur eux, comme ils se sont faits piétinés du temps de leur jeunesse (la jeunesse universitaire allant bien jusqu'à 40 ans, ça en fait de la frustration accumulée, qui sera déversée pendant tout le reste de leur carrière.) Les grands professeurs que j'ai eus quand j'étais étudiante ou ceux pour lesquels j'ai travaillé quand j'étais doctorante étaient ceux qui ne corrigeaient pas leurs copies (aucune valorisation), qui ne mettaient pas leurs cours à jour (aucun contrôle par le CNU donc aucun intérêt), qui arrivaient en retard en cours ou qui ne venaient tout simplement pas (leur demander des comptes serait brider leur liberté universitaire). Parfois, ils mettaient de mauvaises notes à tout le monde pour montrer comme eux étaient forts, parfois au contraire ils apposaient des notes dignes de l'école des fans pour ne pas être ennuyés par des étudiants qui souhaiteraient consulter leur copies ou recevoir des conseils pédagogiques (quelle horreur! prendre le temps d'un entretien individuel avec un simple étudiant... et la recherche pendant ce temps là ?).
Bref aujourd'hui je travaille dans une petite université, loin des grands pontes et je respire enfin. Je pensais être fâchée à tout jamais avec l'enseignement supérieur, c'est seulement avec les dérives de la communauté universitaire que je l'étais.
Réformer le processus de qualification, c'est accepter de revoir le profil des enseignants chercheurs que l'on recrute et de se demander : quel objectif assignons-nous à ces universitaires ? autrement dit, demandons-nous ensemble : qu'est-ce qu'un enseignant chercheur et quel est son métier ?